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Article technique

La Bourgogne doit une grande partie de sa renommée mondiale à la longévité exceptionnelle de ses vins blancs. Mais, dans un contexte de changements climatiques et d’évolutions des pratiques, une question s’impose : comment se construit, se préserve et se pilote ce potentiel de garde ?

Pour y répondre, le BIVB a lancé en 2020 le projet VOLTA, mobilisant un réseau de quarante caves bourguignonnes et l’équipe œnologique de Vinventions.  Au cœur de ce dispositif, notre expertise scientifique et le Polyscan, notre outil d’aide à la décision, qui a permis d’alimenter cette recherche en données objectives, millésime après millésime.

Le Polyscan : mesurer pour comprendre

L’enjeu du projet était clair : disposer d’indicateurs fiables pour anticiper la longévité des vins. Le Polyscan a permis de répondre à cette exigence en mesurant en temps réel les polyphénols, acteurs majeurs des réactions d’oxydation et en permettant de réaliser le Test de Tendance d’Evolution (TE). Ce test, analogue à un test de tenue à l’air, compare le signal initial d’un vin à celui observé après deux heures d’exposition à l’air :

  • TE < 100 → vin sensible, potentiel de longévité limité
  • TE > 100 → vin résistant, potentiel de longévité élevé.

Cette méthode a ouvert la voie à une classification précoce et fiable des vins depuis la fin de FA jusqu’à la conservation en bouteille.

Résultats clés après 5 ans d’étude

1. Phase pré-fermentaire : limiter l’extraction des polyphénols

Sur 150 cuves de débourbage suivies, les lots riches en polyphénols en jus de gouttes se retrouvent systématiquement riches en fin de FA et plus sensibles à l’oxydation. La richesse intrinsèque du raisin en polyphénols constitue donc un facteur déterminant, auquel viennent s’ajouter les choix techniques au chai.

Le sulfitage sur raisins (impact déterminant à lui seul), et toutes les pratiques triturantes (vendanges mécanique,  foulage, temps de remplissage longs des pressoirs et absence de refroidissement des raisins ) favorisent l’extraction des polyphénols. Leur impact est d’autant plus marqué lorsque la vendange est initialement riche, car elles accentuent la concentration déjà élevée des jus.

A ce stade, toute opération favorisant l’extraction phénolique doit être maîtrisée et, autant que possible, limitée, surtout dans les années ou sur les parcelles où les raisins présentent des niveaux naturellement élevés.Ces ajustements contribuent à réduire la charge en polyphénols des moûts et à augmenter la proportion de vins résistants dès la fin de fermentation.

2. Phase d’élevage : un optimum entre 6 et 9 mois

Les données recueillies au cours de l’élevage, sur plus de 800 lots suivis, confirment l’importance de cette étape. Elles montrent que la résistance à l’oxydation progresse entre 0 et 6 mois, atteint un maximum entre 6 et 9 mois (jusqu’à 75 % de lots résistants), puis tend à décliner au-delà d’un an. Trois enseignements majeurs se dégagent :

  • l’élevage sur lies totales favorise la résistance : 80% de vins résistants contre ~50 % après soutirage,
  • les fûts neufs de petits volumes (228 L), avec des chauffes légères, renforcent la résistance : 75 % de vins résistants
  • pour les élevages en cuve, seuls les vins initialement pauvres en polyphénols montrent plus de résistance (70 % de résistants) confirmant l’importance d’une gestion pré-fermentaire stricte des polyphénols.

3. Conservation en bouteille : quatre profils révélés

Pour relier les pratiques et le potentiel de garde, quarante lots de vins ont été suivis pendant trois années après mise en bouteille en conditions contrôlées (même obturateur, même niveau d’apport total d’oxygène à la mise). Des analyses (TE, SO₂, polyphénols) et des dégustations ont ensuite été réalisées de façon régulière au cours des 3 ans de conservation en bouteille.  Ces suivis on permet de distinguer 4 profils types de vins :

  • Sensible/boisé : notes d’évolution précoces, fruits mûrs, boisé stable.
  • Sensible/non boisé : notes d’évolution progressives, polyphénols élevés provenant du raisin.
  • Résistant non boisé : stabilité aromatique, fruits frais, élevage réducteur.
  • Résistant boisé : peu de notes d’évolution, mais intensité boisée dominante qui s’accentue avec le temps.

Cette classification a été établie seulement six mois après la mise en bouteille et s’est révélée prédictive de l’évolution des vins sur trois ans. Ces données, adossées aux test de TE du Polyscan offrent ainsi un diagnostic précoce du potentiel de longévité pour les vinificateurs, directement exploitable dans leurs choix techniques et commerciaux.

4. Impact de la maturité du raisin : un axe émergent

En 2024, le suivi de 20 parcelles avec l’indice Maturox du Polyscan a mis en évidence un facteur supplémentaire : les dates de récoltes semblent avoir un impact sur le profil de longévité des vins. Ce lien entre maturité et longévité ouvre de nouvelles perspectives pour piloter la date de récolte. De nouveaux essais sont prévus pour confirmer ces premiers résultats.

En cinq années de travaux, le projet VOLTA a apporté des réponses concrètes à une question cruciale pour la Bourgogne : comment préserver la signature de longévité des grands blancs face aux défis contemporains ? Les résultats démontrent l’importance de limiter l’extraction polyphénolique en phase pré-fermentaire, de privilégier l’élevage sur lies totales et le bois neuf léger, et de recourir au test de tendance d’évolution pour prédire précocement la longévité. À ces leviers de cave s’ajoute désormais la maturité du raisin, qui pourrait devenir un nouvel outil de pilotage dès le vignoble. Ces acquis, fruits d’un partenariat unique entre la recherche et le terrain, donnent aux vinificateurs des repères solides pour continuer à produire des vins qui traversent le temps.

  • 150 cuves de débourbage analysées : un lien direct établi entre richesse en polyphénols et sensibilité oxydative en fin de fermentation.
  • 830 lots suivis en élevage : un optimum de résistance identifié entre 6 et 9 mois, avec jusqu’à 75 % de lots résistants.
  • 80 % de vins résistants lorsqu’ils sont élevés sur lies totales, contre ~50 % après soutirage.
  • 40 lots suivis en bouteille pendant 3 ans : une classification précoce possible via TE qui s’avère prédictive de leur évolution sensorielle et analytique.
  • 20 parcelles suivies en 2024 : les premiers résultats, à confirmer, tendent à montrer que la date de récolte peut jouer sur le potentiel de longévité des vins.
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