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Article technique

Les vins n’ont pas tous le même comportement lors d’une exposition à l’oxygène et n’évoluent pas de la même façon suite à cette exposition.

Les termes de « réactivité vis-à-vis de l’oxygène », « sensibilité à l’oxygène », « oxydabilité », etc… sont largement utilisés dans la filière œnologique sans toutefois faire l’objet d’une définition précise. Par ailleurs, il n’existe pas aujourd’hui de méthode analytique permettant d’évaluer la capacité d’un vin à résister, à « se construire » ou à « se détruire » vis-à-vis d’une exposition à l’oxygène. Cette capacité est à ce jour évaluée par les vinificateurs de façon empirique par dégustation directe ou par dégustation après une mise en contact avec l’air (test de résistance à l’air).

L’équipe Œnologie de Vinventions définit la sensibilité à l’oxydation comme la tendance d’un vin à acquérir des caractères organoleptiques oxydatifs lors d’une exposition à l’oxygène. De manière générale, la sensibilité à l’oxydation d’un vin évolue dans le temps, et dépend des opérations subies par le vin en cours de vinification et d’élevage.

Nous avons développé un test prédictif de la tendance d’évolution des vins à partir d’une analyse électrochimique du vin réalisé avec l’analyseur NomaSense PolyScan P200. Ce test, appelé Tendance d’Evolution, fournit aux vinificateurs une aide à la décision tout au long de l’élaboration de leurs vins en leur indiquant la « sensibilité » du vin vis-à-vis de l’oxygène, c’est-à-dire le risque d’apparition de caractère oxydatif lors d’une exposition à l’oxygène. Ce test n’est pas une image de l’état d’oxydation du vin au moment du test. Par exemple un vin présentant un profil oxydé ne sera pas forcément décrit comme sensible car l’oxydation supplémentaire ne provoquera pas forcément plus d’évolution de la structure du vin.

Au moment de la mesure électrochimique, le TE permet de déterminer si le vin est sensible ou peu sensible, permettant au vinificateur d’adapter ses choix de vinification – inertage, sulfitage, type d’élevage, assemblage, conservation, choix de l’obturateur, etc… – selon le résultat obtenu.

Historique et dispositif experimental

Pour évaluer la sensibilité d’un vin, certains vinificateurs soumettent le vin à un « test de résistance à l’air » qui consiste à mettre le vin en contact avec l’oxygène pendant quelques heures. Le vin est dégusté avant et après ce contact à l’air puis l’évolution du profil est évaluée, notamment l’apparition de notes jugées oxydatives. La difficulté de ce test réside dans l’objectivité de la dégustation des échantillons et le laps de temps entre les 2 dégustations. L’évaluation par d’autres méthodes analytiques, telle que la spectrophotométrie donne peu de résultats sur vin, car les évolutions de couleur prennent en général plus de temps que le temps imparti pour le test.

L’équipe Œnologie de Vinventions a mis en place un dispositif expérimental pour évaluer par électrochimie, à l’aide du NomaSense PolyScan P200, l’effet de l’oxygène sur le vin au cours de tests de résistance à l’air. Des échantillons de vins en cours de vinification ou en fin de process ont été collectés et l’avis des vinificateurs quant à la sensibilité de ces vins vis-à-vis de l’oxygène recueillis. Ces vins ont ensuite été soumis au test de
résistance à l’air et l’évolution des voltamogrammes étudiée.

Plus de 800 échantillons de vins rouges, blancs et rosés ont été testés. Au fur et à mesure des résultats obtenus, la méthode d’analyse par électrochimie a été optimisée afin d’améliorer le temps de réalisation du test, les paramètres de la méthode électrochimique et la méthode d’échantillonnage du vin.

L’effet de la présence de SO2 sur le résultat du test a aussi été étudié. Pour cela, des vins sans sulfites ont été dopés avec des doses œnologiques croissantes de SO2 puis soumis au test de tendance d’évolution. L’évolution des voltamogrammes est restée similaire pour tous les échantillons testés, laissant penser que la mise en place de l’effet antioxydant du SO2 nécessite un temps plus long que la durée du test. Nous avons pu
conclure que ce test rend compte de la sensibilité même de la matrice vin.

Nous avons également évalué l’évolution du résultat d’un test de tendance d’évolution au cours du stockage avant et après mise en bouteille de différents vins, notamment dans le cadre d’un projet coopératif avec l’IFV et le Domaine de Donadille, financé par la région Occitanie.

Au cours de ce projet, des vins rouges ont été micro-oxygénés et comparés au témoin. Il a notamment été possible de mettre en évidence que la micro-oxygénation a rendu les vins moins sensibles à l’oxydation que le témoin et qu’au cours de la conservation en cuve puis en bouteille cette sensibilité augmentait pour toutes les modalités, demeurant toujours plus élevée pour le témoin non micro-oxygéné. Ces constats sont en adéquation avec l’évolution empiriquement observée des vins.

Résultats et observations

Les expérimentations ont permis de montrer que l’évolution des signaux voltamétriques diffère selon la sensibilité des vins à l’oxydation. Deux types d’évolution différents ont été observés.

Dans le cas des vins jugés comme étant les moins sensibles par les vinificateurs, une augmentation du signal voltamétrique (figure 1) est observée au cours du temps, correspondant à la formation de substances oxydables supplémentaires lors du contact du vin avec l’air. De manière imagée, ceci pourrait être décrit comme une « construction » de la structure du vin par la consommation d’oxygène.

Figure 1 : Exemple d’un vin dont le signal voltamétrique augmente entre la première mesure réalisée et la seconde à 2 heures d’intervalles, signifiant que le vin présente un profil peu sensible à l’oxydation

Au contraire, les vins sensibles à l’oxydation selon les vinificateurs, présentent une diminution de ces signaux après contact avec l’air (figure 2). De manière imagée, ceci pourrait être décrit comme une « destruction » de la structure du vin par la consommation d’oxygène

Figure 2 : Exemple d’un vin dont le signal voltamétrique diminue entre la première mesure réalisée et la seconde à 2 heures d’intervalles, signifiant que le vin présente un profil sensible à l’oxydation.

Les évolutions de voltamogrammes observées sont supérieures à l’incertitude liée à la mesure.

Les tests réalisées par électrochimie avec le PolyScan P200 permettent donc d’évaluer la sensibilité d’un vin à l’oxydation.

Test de tendance d’évolution

Grâce aux résultats expérimentaux obtenus, un test de Tendance d’Evolution a pu être mis au point et intégré dans le NomaSense PolyScan P200. Pour réaliser ce test, un protocole précis doit être suivi.

Protocole de réalisation du test

Pour évaluer la tendance d’évolution d’un échantillon, il faut :

  • réaliser un test éléectrochimique de l’échantillon considéré
  • laisser l’échantillon en contact avec l’air pendant 2h
  • réaliser une autre analyse électrochimique à la fin du test.

Quelques précautions sont à prendre pour réaliser le test dans les meilleures conditions.

  • Au moment du prélèvement de l’échantillon depuis la cuve, la barrique ou à l’ouverture de la bouteille,
    réaliser une analyse électrochimique (T0) à l’aide du PolyScan P200, menu « tendance évolution ». Il
    est indispensable de réaliser cette analyse immédiatement après prélèvement, sans attendre que le vin
    ait déjà été en contact avec l’air. Par exemple, ne pas prélever tous les échantillons dans la cave et les
    ramener au laboratoire pour faire cette 1ère analyse. Une aération de l’échantillon peut compromettre le
    résultat du test.
  • Prélever 50 mL de vin avec une pipette et le disposer avec précaution dans une fiole de 125 mL munie d’un septum. Ne pas agiter. Laisser l’échantillon à la température à laquelle était le vin (dans la cave par exemple) pendant 2h.
  • Deux heures après le prélèvement de l’échantillon (un décompte est présent à l’écran du PolyScan P200), refaire une analyse électrochimique (T 2h) de l’échantillon.
  • Le Polyscan indique ensuite la catégorie du vin : sensible ou peu sensible, ainsi que les valeurs d’EasyOx et PhenOx de l’échantillon initial. Ces valeurs viennent compléter l’analyse : si elles sont particulièrement basses, il est possible que l’échantillon soit déjà oxydé.

Remarques :

Deux tests réalisés sur un même vin peuvent avoir un résultat différent si le deuxième test est fait sur le vin resté à l’air libre. Le vin resté à l’air libre s’oxyde et donc le résultat ne sera pas le reflet du potentiel oxydatif réel du vin tel qu’il est dans la bouteille ou la cuve.

Un vin « oxydé » ne peut parfois pas s’oxyder davantage, donc il est possible que le test ne juge plus le vin sensible tout simplement parce que le mécanisme d’oxydation est déjà avancé.

L’ajout de SO2 ne compromet pas le résultat du test de tendance d’évolution du vin.

Résultats du test et aide à la décision

Le test de tendance d’évolution du vin donne une indication sur la sensibilité du vin à l’oxydation à l’instant T, c’est-à-dire au moment où est réalisé ce test.

Il peut évoluer au cours de la vinification et son interprétation est à corroborer avec le stade d’élaboration du vin. Deux résultats sont possibles : soit le vin est classé comme étant sensible, soit il est classé comme étant peu sensible.

En fonction du résultat du test, le vinificateur peut adapter ses choix de vinification, d’élevage, d’assemblage et de conservation.

Par exemple, pour optimiser la durée de vie d’un vin sensible à l’oxydation, le vinificateur peut :

  • Éviter les élevages longs et oxydatifs (micro-oxygénation, élevage en barrique) ou procéder au préalable à un assemblage avec un vin peu sensible
  • Maintenir un niveau de lies fines dans la cuve de stockage pour utiliser leur caractère antioxydant
  • Eviter de sélectionner ces vins pour une conservation et une commercialisation sans sulfites
  • Limiter les prises d’oxygène lors de transferts, filtration, mise en bouteille
  • Choisir des obturateurs peu perméables à l’oxygène et les circuits de consommation courts…

Au contraire, pour un vin peu sensible à l’oxydation, il est possible de :

  • Réaliser des élevages longs en assurant un suivi avec le test de tendance d’évolution pour éviter de trop pousser cet élevage
  • Limiter le sulfitage si les étapes de préparation et de mise en bouteille sont maitrisées
  • Choisir l’obturateur et de sa perméabilité à l’oxygène en fonction de la durée de vie souhaitée du vin
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