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Article technique

Depuis plus de 10 ans, de nombreux travaux scientifiques ont permis de démontrer que l’apport d’oxygène au travers d’un obturateur permet de moduler l’évolution aromatique des vins durant leur conservation (Laurie et al.,2012 ; Wirth et al, 2012 ; Ugliano, 2013 ; Prieto et al., 2014 ; Ugliano et al.,2014 ; Ugliano et al.,2015).

Plus connue sous le nom de perméabilité du bouchon, la contribution globale d’un obturateur en matière d’apport d’oxygène est la somme de deux composantes : la désorption, qui est l’oxygène contenu dans le bouchon et libéré après la mise en bouteille ; et l’OTR (Oxygen Transmission Rate), qui est la quantité d’oxygène qui diffuse à travers le bouchon au cours du temps. Cet apport d’oxygène de l’obturateur a été modélisé (Diéval et al. 2011). La parfaite définition et régularité de cet apport d’O2 via le bouchon est une condition sine qua non à la maîtrise de l’évolution des vins et au choix d’un obturateur pour obtenir un profil organoleptique après une certaine durée de conservation. Cet article reprend des résultats présentés en 2014 au congrès de l’American Chemical Society (Ugliano et al. 2015) montrant l’impact aromatique de faibles apport d’O2 à travers les bouchons et proposant des hypothèses quant aux molécules sous tendant ces évolutions. Des évolutions concrètes de quelques vins bouchés avec des bouchons de différents OTR seront pris pour illustrations.

35 vins de profils non-boisés (10 blancs, 12 rosés et 13 rouges), ont été mis en bouteille dans des conditions contrôlées avec des Select Green 100, 300 et 500 (Nomacorc) permettant au cours de la conservation en bouteille trois niveaux d’apport d’oxygène distincts et parfaitement définis. Ces vins ont été dégustés par un même jury d’analyse sensorielle expert, entraîné régulièrement, à différents stades de vieillissement en bouteille (de 9 à 19 mois pour les blancs, de 5 à 11 mois pour les rosés et de 12 à 48 mois pour les rouges). Pour un même vin, les différences d’exposition à l’oxygène au cours de leur conservation créées par les différents bouchons étaient faibles, de l’ordre de 0,7 à 1,6 mg/L pour les vins blancs, 0,5 à 1,6 mg/L pour les vins rosés et de 0,8 à 1,9 mg/L pour les vins rouges. Un total de 126 vins a été soumis à l’analyse sensorielle et des analyses d’arôme ont également été réalisées.

Figure 1. a-c : Fréquence à laquelle les descripteurs aromatiques ont permis de décrire les différences entre niveaux d’apport d’O2 liées à l’obturateur sur un même vin de manière significative. (blancs/a, rosés/b et rouges/c) ; les barres foncées mettent en avant les descripteurs les plus fréquemment utilisés pour exprimer une différence de profil pour chaque catégorie.

La figure 1 indique la fréquence à laquelle chaque descripteur permet de décrire de manière significative l’impact sur l’aromatique de différents niveaux d’apports d’O2. Elle met ainsi en avant les descripteurs aromatiques les plus impactés sur ces vins par les différences d’apports d’oxygène à travers le bouchon (barres foncées). Dans le cas des vins blancs, l’intensité aromatique, les attributs fruités (fruits blancs et agrumes) et la réduction ont été les descripteurs aromatiques les plus cités pour décrire les différences générées par le degré d’exposition à l’oxygène sur un même vin. Dans le cas des vins rosés, l’oxygène a influencé principalement l’intensité aromatique et les notes de fruits rouges et de fruits exotiques. Dans cette étude, des vins rosés de Provence ont été majoritairement utilisés ce qui explique la haute incidence des attributs cités, qui sont typiques du profil sensoriel de ces vins. Dans le cas des vins rouges, l’intensité aromatique, les fruits rouges, les fruits cuits, les épices et les notes réductrices ont été majoritairement impactés par les apports différents d’O2 à travers le bouchon. D’un point de vue global, ces résultats confirment que les attributs fuités et ceux liés au caractère réducteur des vins sont fortement sensibles à l’oxygène.

Des évolutions sensorielles différentes selon le type d’arômes

Toutefois, chaque descripteur n’évolue pas toujours dans le même sens selon le degré d’exposition à l’oxygène. Par exemple, les descripteurs fruités peuvent diminuer ou augmenter.

Figure 2 : Profil aromatique de deux vins rosés conservés 6 mois avec deux obturateurs de perméabilités différentes induisant un delta d’O2 de 1.9 mg/L entre les modalités.

La figure 2 illustre la complexité de la relation entre l’exposition à l’oxygène et les attributs fruités des vins. En effet, alors que dans le vin 1, un degré d’exposition à l’oxygène supérieur favorise l’expression des fruits exotiques, dans le vin 2, le même degré d’exposition à l’oxygène conduit à une perte du caractère exotique. Ces différences de réponses des vins pour un même degré d’exposition à l’oxygène sont courantes, et montrent que l’évolution des arômes est dépendante du vin considéré. Le vin 1 a une tendance à la réduction (RedOx de 1 sur la modalité avec l’obturateur le plus fermé) : l’apport d’une quantité plus importante d’O2 permet de diminuer les notes de réduction, qui ont tendance généralement à masquer le fruit. Au contraire, le vin 2 ne montre pas de note de réduction, y compris avec l’obturateur le plus étanche à l’oxygène alors que l’apport d’une quantité plus importante d’oxygène a tendance à diminuer les descripteurs de fruit.

L’impact d’apport d’O2 croissant sur un vin va dépendre :

  • des molécules aromatiques présentes dans le vin,
  • de leur réactivité avec l’O2 ou avec des molécules issues de mécanismes d’oxydation
  • ainsi que d’effets de masques ou de synergies entre molécules.

La littérature scientifique renseigne sur l’origine potentielle de certaines de ces évolutions. Les arômes fruités de thiols variétaux comme le 3SH (pamplemousse) diminuent quand l’exposition à l’oxygène augmente, du fait de leur réactivité avec les produits de l’oxydation des polyphénols (Ugliano et al., 2015). Leur diminution peut donc expliquer la baisse des attributs fruités lorsqu’elle est observée. De la même façon, le H2S (œuf pourri) et le MeSH (chou), principaux marqueurs des notes de réduction dans les vins, voient, comme pour les thiols variétaux, leur concentration diminuer quand l’exposition à l’oxygène augmente. Ces molécules sont connues pour constituer un masque des caractères fruités. Un niveau supérieur d’O2 diminue leur concentration et permet une expression supérieure du fruit, comme sur l’exemple du vin 1 (figure 2). Un point intéressant à noter est que l’O2 impacte plus facilement les composés de réduction tels que H2S et MeSH que les thiols variétaux aux niveaux d’apport des obturateurs (Ugliano et al. 2011). La gestion de la réduction d’un vin par le biais de l’apport d’oxygène d’un bouchon est donc un moyen efficace de faire disparaitre cette réduction sans impacter de façon trop importante le caractère positif recherché des thiols variétaux.

D’autre composés aromatiques, comme la β-damascénone (compote de pomme), augmente avec une exposition plus élevée à l’oxygène (Ugliano et al., 2015). Ce composé est connu comme étant un exhausteur de fruité (Pineau et al. 2007), notamment de fruits rouges dans les vins rosés. C’est donc ici un effet synergique qui pourrait expliquer l’augmentation de caractères fruités avec des apports plus élevés d’O2. Par ailleurs, l’apport de notes « compotées » pourrait également induire des notes de fruits plus mûrs, notamment de fruit cuit dans les vins rouges (Ugliano et al., 2015)

Les analyses d’arômes réalisées dans ce travail (Ugliano et al., 2015) ont montré que les esters fermentaires, largement associés aux notes aromatiques fruités dans les vins, ne sont pas affectés par l’oxygène dans les niveaux d’exposition étudiés. Ils ne peuvent donc pas à eux seul expliquer les différences observées entre niveaux d’apports d’O2 à travers l’obturateur sur un même vin. En revanche, des travaux menés par ailleurs (Pouzalgues et al., 2013) ont montré les synergies existantes entre esters et thiols variétaux. Par exemple, quand le ratio thiol / ester est favorable aux thiols, la note aromatique perçue à la dégustation rappelle le pamplemousse puis se rapproche des fruits exotiques quand ce ratio est dominé par les esters. Une baisse des thiols au cours de la conservation en bouteille alors que les esters ne sont pas impactés pourrait donc également contribuer à l’évolution du profil aromatique des vins selon la perméabilité de l’obturateur.

L’évolution des arômes en bouteille rappelle l’évolution des arômes dans la baie lors de la maturité

Ces travaux viennent apporter des pistes explicatives aux observations pratiques. Dans une 1ère dimension, la variation des concentrations des composés aromatiques en fonction des niveaux d’O2 apportés à travers le bouchon (baisse de la concentration des thiols par exemple) et leurs synergies (interactions olfactives thiol / ester ou effet exhausteur de la β-damascénone) font évoluer le nez des vins vers des univers aromatiques que l’on peut décrire comme « plus mûrs ». Il est commode pour décrire les différences entre les vins de les placer sur une échelle de maturité aromatique, métaphore de la séquence aromatique de la maturation des baies (Deloire 2013, Šuklje et al. 2017), qui permet au dégustateur de noter une impression globale résultante de la présence de différentes notes aromatiques. Cette échelle de maturité débute pour les blancs sur des profils végétaux, passe ensuite par des côtés pamplemousse / agrume, pour aller ensuite sur des notes de fruits blancs, de fruits exotiques puis de fruits secs. En pratique, un vin blanc de profil thiol, exposé à des doses croissantes d’oxygène voit son profil aromatique où les notes agrumes dominent évoluer vers une dominante de fruits blancs et jaunes (lié à la diminution des thiols).

Une 2ème dimension de la description des évolutions des vins en bouteilles correspond aux effets de masques aromatiques liés aux arômes de réduction, voire d’oxydation même si ceux-ci n’ont pas été observés dans le travail décrit ci-dessus. Également nommé dans la pratique niveau de redox ou niveau d’ouverture/fermeture, cette échelle va des notes d’œuf pourri/chou jusqu’aux notes miel / noix en passant par des notes empyreumatiques.

La cartographie présentée sur la figure 3 permet de mettre en évidence l’évolution des vins au cours de leur conservation en bouteille avec différents obturateurs en dissociant ces 2 dimensions. Sur le 1er exemple, un rosé de Bandol, des quantités croissantes d’O2 engendrent une évolution du niveau de maturation du fruit, sans apparition de masque réducteur.

Figure 3 : Evolutions d’un vin rosé de Bandol au cours du temps avec différents obturateurs. Les apport d’O2 croissants selon les obturateurs engendrent une évolution du niveau de maturation du fruit

En revanche, dans le 2e exemple (figure 4), un chardonnay de Hongrie, des arômes de réduction apparaissent à un moment de la conservation puis leur effet masquant disparait peu à peu. C’est ensuite un murissement du fruit qui est observé. Pour être précis, ce n’est pas la quantité d’O2 qui contribue à la formation de ces notes de réduction mais la vitesse d’entrée de l’O2 dans la bouteille qui ne semble pas suffisante pour empêcher leur formation. En effet, le masque réducteur n’est pas observé sur le vin après 6 mois de conservation en bouteille, ayant reçu 0,93 mg/L d’O2. En revanche, il apparaît quelques mois plus tard, après que le vin ait reçu 1,6 mg/L, ce qui correspond à 6 mois de conservation supplémentaires avec le même obturateur.

Figure 4 : Evolution d’un Chardonnay de Hongrie au cours de sa conservation en bouteille avec un obturateur Select Green 100 de Nomacorc. Des arômes de réduction apparaissent à un moment de la conservation (au cours de la première année après la mise) puis leur effet masquant disparait peu à peu. C’est ensuite un murissement du fruit qui est observé

Conclusion

Ces travaux confirment l’intérêt d’utiliser l’obturateur, en particulier ses propriétés d’apport d’oxygène, comme un moyen efficace de moduler l’évolution sensorielle du vin dans la bouteille. L’apport de faible quantités d’O2 permet de modifier les concentrations de différentes molécules aromatiques présentes dans les vins. Ceci engendre bien sûr une modification de leur contribution directe mais également de l’univers sensoriel dans lequel se situe le vin via des effets de masque ou de synergie.

Grâce à la technologie de la coextrusion, Vinventions produit des bouchons avec une gamme d’apports d’oxygène bien définis, précis et reproductibles, comme les différents bouchons de la gamme Green Line. Les producteurs peuvent donc choisir l’apport d’oxygène de l’obturateur en fonction du profil de vin et de l’évolution aromatique recherchée en un temps donné. Le choix doit être réfléchi selon le profil initial du vin et sa sensibilité à la réduction et à l’oxydation. Par exemple, pour un vin blanc avec un profil thiol marqué, si le producteur souhaite maintenir ce profil au cours de la conservation en bouteille, des bouchons avec des apports d’oxygène faibles sont recommandés. Mais dans le cas d’une tendance connue à la réduction, un apport d’oxygène légèrement plus élevé devrait être favorisé. À l’inverse, si le producteur souhaite que ses vins blancs présentent des profils d’arôme de fruits mûrs, des bouchons permettant un apport d’oxygène modéré seront préférés. Pour faciliter ce choix et aider au mieux ses clients dans leur décision, la définition du profil aromatique du vin et de sa tendance d’évolution vis-à-vis d’apport d’oxygène constitue un enjeu majeur pour la R&D du groupe.

Réferences bibliographiques
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  10. Ugliano M, Dieval J-B, Vidal S. Passion fruit with a hint of mineral, some smokiness but kind of stinky: many faces of volatile thiols in wine. Practical Winery Vineyard. Jan 2014, 4-8, 2014

  11. Ugliano M, Dieval J-B, Bégrand S., Vidal S. Critical Oxygen Levels Affecting Wine Aroma: Relevant Sensory Attributes, Related Aroma Compounds and Possible Mechanisms, ACS Books, 2015

  12. Wirth J., Caille´ S., Souquet J.-M., Samson A., Dieval J.-B., Vidal S., Fulchrand H., Cheynier V. Impact of post-bottling oxygen on the sensory characteristics and phenolic composition of Grenache rose´ wines. Food Chem., 132, 1671−1681, 2012

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