La gestion du dioxyde de carbone (CO2) est un paramètre clé de la qualité des vins tranquilles. Le CO2 dissous influence en effet grandement les caractéristiques organoleptiques des vins. Il est donc important de bien gérer ce paramètre tout le long de l’élaboration du vin, de façon à garantir une concentration finale adaptée. Une fois le vin mis en bouteille, cette concentration doit être préservée dans le temps et être régulière d’une bouteille à l’autre. Tour d’horizon des points clés pour assurer une bonne gestion de ce paramètre dans les vins.
- Moduler l’équilibre gustatif des vins avec le CO2
- Limiter les pertes de CO2 jusqu’à l’ajustement avant la mise
- Mesurer précisément le CO2 dissous
- Maîtriser l’étape de la mise en bouteille
- Préserver le CO2 durant le stockage
Moduler l’équilibre gustatif des vins avec le CO2
Le CO2 joue un rôle prépondérant dans l’équilibre gustatif des vins tranquilles et contribue à moduler leur profil sensoriel. Le CO2 souligne en général les perceptions de fraîcheur et d’acidité, gomme la sucrosité, intensifie l’amertume et l’astringence et peut conduire à une sensation de picotement. Selon le vin, trop peu de CO2 peut rendre les vins blancs plats et à l’inverse, trop de CO2 rendre les vins rouges rugueux et tanniques. Pour certains arômes, le CO2 peut avoir un effet exhausteur et amplifier l’intensité olfactive directe des vins. Les professionnels observent également une amplification de certains défauts de type liège, herbacé, champignon, pourri. Selon la matrice, un écart de 200 mg/L de concentration de CO2, dans un même vin, peut donner deux profils sensoriels différents. Le CO2 est ainsi généralement ajusté en fonction du profil initial du vin ainsi que de la cible commerciale visée. A la mise en bouteille des vins tranquilles, les teneurs en CO2 sont généralement comprises entre 300 et 1500 mg/L. Jusqu’à cette étape, il est conseillé de préserver autant que possible le CO2 dans le vin.
Limiter les pertes de CO2 jusqu’à son ajustement avant la mise
Le CO2 est un gaz naturellement produit par les levures lors de la fermentation, et comme tous le gaz, il est capable de se dissoudre dans un liquide. Au cours du processus d’élaboration du vin, la concentration en CO2 dissous tend naturellement à diminuer. Les manipulations soigneuses du vin tout le long de l’élaboration et le maintien du vin à des températures peu élevées permettent généralement de limiter ces pertes en CO2. Dans ces conditions, les teneurs en CO2 au moment de la préparation du vin pour la mise en bouteille, sont souvent supérieures à 1000mg/L. L’ajustement de la teneur en CO2 se fait alors en fonction du type de vin souhaité. La température exerce un effet très important sur la dissolution du CO2. Cette dissolution est plus importante à basse température. Si la concentration en CO2 dissous doit être augmentée, la manipulation sera optimisée à une température du vin inférieure à 10°C. A l’inverse, pour « éliminer » une partie du CO2 du vin, le vinificateur pourra procéder à un dégazage avec de l’azote gazeux, préférentiellement réalisé à des températures plus élevées de l’ordre de 15 à 20°C.
Mesurer précisément le CO2 dissous
Quelle que soit l’opération réalisée, il est impératif de mesurer les concentrations de CO2 dissous dans le vin. Deux méthodes de référence sont proposées par l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin) pour la mesure du CO2 dans le vin. Ces deux méthodes fournissent des valeurs précises mais elles ne sont adaptées qu’à une utilisation en laboratoire. En cave, les outils de mesure du CO2 manquent malheureusement de précision. Le «carbodoseur», un appareil bon marché et simple à utiliser, est certainement l’appareil de mesure le plus répandu. Mais sa précision (+/- 100 mg/L) est beaucoup trop faible pour garantir une gestion satisfaisante du CO2 au chai. Une autre technique de mesure, connue sous le nom d’Expansion Volumique Multiple (MVE), est utilisée par l’appareil CarboQC, breveté par Anton Paar. La méthode MVE permet une reproductibilité d’environ 50 mg/L (selon le fabricant). Mais pour atteindre un tel niveau, une maintenance très poussée reste nécessaire. La conductivité thermique (CT) est une autre technique sur laquelle les appareils comme l’Orbisphère s’appuient. Un calibrage doit être réalisé très fréquemment pour garantir la précision de la mesure. La filière vin est donc toujours en attente d’une technologie abordable qui permettrait de mesurer précisément et rapidement le CO2 et faciliterait les opérations d’ajustement.
Maîtriser l’étape de la mise en bouteille
Une fois la teneur en CO2 ajustée, il faut être en mesure de préserver cette concentration dans le vin. Cependant, l’embouteillage peut affecter de façon non négligeable la concentration en CO2. Lors de la mise en bouteille, le vin est transféré de la cuve à la bouteille, impliquant potentiellement un contact avec l’air et entraînant ainsi une perte en CO2. Chaque milligramme d’oxygène apporté dans le vin peut entrainer une perte de 10% de CO2 dissous. Les pertes les plus importantes surviennent au début et à la fin de la mise en bouteille. En effet, les bouteilles remplies en premier peuvent contenir moins de CO2 car le vin est mis en contact avec l’air présent dans les tuyaux et les filtres. De la même façon, les derniers volumes de vin mis en bouteille sont exposés à une plus grande perte en CO2 car le vin, resté en cuve plus longtemps, est davantage en contact avec l’air. Si aucune précaution n’est prise, les premières et les dernières bouteilles remplies (jusqu’à plusieurs centaines selon la taille de la ligne d’embouteillage) contiendront plus d’oxygène et moins de CO2 créant ainsi une variabilité importante par rapport au reste du lot. Il est donc impératif de procéder à l’inertage des circuits et de la cuve tampon avec un gaz inerte. Les mélanges utilisés doivent contenir du CO2 pour être parfaitement efficace sur ce paramètre. Pour les vins blancs et rosés notamment, l’utilisation d’un mélange de gaz composé à 50% de CO2 et 50% de N2 est une solution adaptée. En revanche, la gestion de l’espace de tête par un système de vide ou d’inertage n’a presque aucun effet sur la teneur en CO2 dissous. Il reste cependant fortement conseillé d’appliquer un système de vide ou d’inertage à l’obturation afin d’éviter une prise d’oxygène trop importante dans l’espace de tête, qui aura des conséquences néfastes sur la qualité des vins et sur leur potentiel de conservation. La gestion du CO2 lors de la mise en bouteille est primordiale pour éviter de créer des variations entre différentes bouteilles d’un même lot, variations qui seront renforcées par une mauvaise gestion de l’oxygène à cette étape également.
Préserver le CO2 durant le stockage du vin
Lors du stockage du vin une perte de CO2 est fréquemment observée au cours du temps. La température de stockage joue un rôle important dans la préservation de la teneur en CO2 dissous du vin. Un vin stocké à basse température (inférieur à 15°C) conservera mieux le CO2 dissous qu’un vin stocké à une température élevée (supérieure à 20°C), où la perte sera plus importante. Cette perte peut par ailleurs être régulée par le bouchon grâce à sa perméabilité spécifique. Tout comme dans le cas de la perméabilité à l’oxygène (OTR), les obturateurs (quel que soit leur type) ont une perméabilité au dioxyde de carbone, qui peut être exprimée en taux de transfert du dioxyde de carbone (CO2TR). Pour certains types de bouchon, cette perméabilité au CO2 pourra être spécifiée. C’est le cas notamment des bouchons Nomacorc dont les valeurs spécifiques d’OTR ont pu être converties en valeurs de CO2TR par l’équipe de R&D de la société. Ces valeurs théoriques permettent de prévoir la quantité de CO2 qui sera retenue dans le vin par le bouchon au cours du temps. Plusieurs essais ont permis de confirmer les capacités de rétention théoriques du CO2 sur différents bouchons de la gamme Nomacorc. Plus l’apport d’oxygène permis par le bouchon est faible, plus la capacité de rétention du CO2 sera élevée (autrement dit plus les pertes de CO2 seront faibles). Les perméabilités à l’oxygène les plus élevées entraîneront davantage de pertes en CO2 dans le temps. Mais ces pertes restent infimes. A titre d’exemple, au bout de deux ans, un vin bouché avec un bouchon Classic + a présenté une différence de CO2 d’un peu moins de 100 mg/L par rapport à sa teneur initiale. Cette différence est inférieure à l’erreur analytique commise par la plupart des méthodes de mesure et, d’un point de vue sensoriel, reste difficilement perceptible. Pour d’autres types de bouchons, notamment les bouchons en liège naturel et aggloméré, les essais ont mis en évidence des variations importantes dans les pertes en CO2 du vin qui, dans certains cas, étaient non-négligeables. Cette variabilité, liée à l’hétérogénéité de la matière première et aux propriétés mécaniques de ce type de bouchon, peut induire des variations perceptibles entre différentes bouteilles d’un même lot. En revanche, l’homogénéité de production des bouchons Nomacorc permet de garantir des performances semblables pour chaque bouchon et d’assurer une préservation régulière les teneurs en CO2 pendant la conservation des vins. Les variabilités analytiques et sensorielles entre différentes bouteilles d’un même lot sont ainsi limitées, et ce d’autant plus lorsque la mise en bouteille est parfaitement maîtrisée.