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Actualités

30 Jun 2025

Après la Bourgogne et Bordeaux, notre Summer Camp était de retour en Languedoc. Le décor de cette quatrième édition : le Château de Luc. 

Notre programme fut dense avec des temps de partage et d’échange mais aussi de réflexion. Le point d’orgue, un workshop permettant de questionner les représentations et habitudes de consommation des jeunes générations, dont vous trouverez ci-dessous quelques éléments de synthèse. 

Thierry Lorey : « La Gen Z, c’est 18 % de la population française mais moins de 5 % des consommateurs de vin » 

C’est Thierry Lorey qui a ouvert le workshop avec la présentation d’une étude qualitative menée auprès d’un échantillon de jeunes âgés entre 18 et 30 ans. Le format : des entretiens conversationnels permettant de comprendre, au-delà de la baisse de la consommation, les ressorts de la distanciation des jeunes générations vis-à-vis du vin.  

Car il s’agit bien d’une prise de distance, indique Thierry Lorey. Dans la note La génération TikTok et le vin publiée en début d’année pour Vin & Société, il écrit même que « dans l’esprit des jeunes, ceux qui consomment du vin, ce sont « les vieux » ».  

Professeur de marketing à KEDGE Wine School, Thierry Lorey étudie depuis plusieurs années le rapport au vin de certaines catégories stratégiques, parmi lesquelles les femmes et les jeunes générations. Ses travaux sur la Génération Z font suite à ceux sur la Génération Y, celle des Millennials. Dans les deux cas, son terrain couvre les années entre 18 et 29 ans car elles mettent en œuvre des dynamiques qui influenceront durablement les comportements de consommation ou de non-consommation à travers les âges de la vie. 

Il montre ainsi que la génération Z perçoit le vin à la façon d’un club élitiste. Si cette image peut séduire des jeunes qui percevront le vin comme un produit distingué et noble, qui les aidera à se valoriser socialement, nombreux sont ceux qui en génèrent du rejet, voire de l’hostilité, d’autant plus que la transmission s’opère de moins en moins au niveau familial. 

Cette vision d’un club élitiste est particulièrement vraie pour les vins rouges qui sont souvent associés à des notions de sophistication et de connaissance (et à l’inverse, les vins blancs et rosés ainsi que les effervescents sont perçus positivement : ils sont considérés comme « légers ou « faciles à boire »).  

Le vin, rouge en particulier, apparaît complexé, codé, intimidant, comme le racontent les jeunes interviewés par Thierry Lorey : 

« La dégustation : ça fait quand même un peu fermé comme univers []. Dire qu’on va boire un verre de vin, ça fait plus hautain, bobo, pouêt-pouêt que de boire une bière «  

« L’image du vin est celle d’un produit de luxe, haut de gamme, qui fait qu’il y a quelque chose de moins accessible, comme un blocage. »  

« Le vin pour moi, cela fait un peu alcool de riche alors que, au final, ce n’est pas plus cher qu’une bière en terrasse. » 

6 pistes de travail selon Thierry Lorey pour s’adresser à la génération Z 

  • Capitaliser sur la consommation plaisir et modérée (consommation responsable) pour toucher la partie « mature » de la génération 7 (23-27 ans) 
  • Cibler les femmes de la génération Z (plus nombreuses que les hommes à consommer du vin car il est pour elle un marqueur social positif et un levier d’affirmation : « le vin que j’aime », « le vin que j’ai choisi ») dans le respect des valeurs des années 2020 
  • Rajeunir la cible projetée en mobilisant des influenceurs eux-mêmes issus de la génération Z 
  • Démontrer l’accessibilité du vin, notamment sur les réseaux sociaux et avec un langage simplifié : prix accessible, goût cohérent avec les attentes (fraîcheur), représentations du vin au quotidien 
  • Expérimenter les petits formats adaptés à une consommation individuelle ou à une consommation modérée à deux 
  • Entreprendre un travail de fond sur l’attractivité du vin rouge hors repas en combinant différents leviers (formats, baisse du taux d’alcool, recherche de fraîcheur dans le profil, etc.)  

 amorçant une (r)évolution des représentations du vin : la consommation de vin devient féminine ! 

 

Thierry Lorey 
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7 grands témoins 

Après la conférence de Thierry Lorey, deux tables rondes ont permis à des personnalités de la filière de partager leur expérience. 

Directrice générale de Chavin, Mathilde Boulachin a ainsi pu faire le récit d’une jeune maison qui, en quinze ans, est devenue la maison de référence des vins désalcoolisés en s’adressant à la génération Y puis à la partie haute de la génération Z. Son conseil : investir dans l’expérience et la sublimer. 

 

Responsable marketing & communication des Domaines Albert Bichot (Chablis, Nuits-Saint-Georges, Beaune, Pommard, Moulin-à-Vent), Lucas Przybyla a présenté le projet Secret d’Océan : une cuvée expérimentale en AOP Bourgogne, issue de l’élevage de deux fûts de chardonnay sur le pont du voilier de Grain de Sail pendant sa traversée de l’Atlantique. Le projet, visant à promouvoir les démarches d’éco-responsabilité, a permis à la maison bourguignonne de rajeunir sa sible de consommateurs. L’enseignement : les jeunes générations sont en attente de démarches engagées. À noter qu’Albert Bichot a fait le choix pour cette cuvée du bouchon Nomacorc Ocean, fabriqué à partir de plastique marin récolté dans les zones proches des littoraux. 

 

Comptant parmi les associés du Domaine de l’Arjolle (plus de 100 hectares de vignes dans l’Ouest-Hérault), Geoffroy de La Besnardière a insisté sur la curiosité des jeunes générations, qui les rend disponibles à la pédagogie, y compris en ce qui concerne le vin. La condition : éviter la posture du sachant et rester simple dans ses explications. Le conseil : ne pas parler du vin en tant que tel mais de qui le fait et comment on le fait. 

 

La deuxième tabla ronde a réuni l’influenceuse Margot Ducancel, alias @rougeauxlevres sur Instagram, Romain Becker, créateur du podcast Le bon grain de l’ivresse et intervenant auprès des étudiants du master Boire, Manger, Vivre de Sciences Po Lille, Céleste Renault, jeune directrice du Syndicat de l’AOP Picpoul de Pinet, et Carl Coignard, fondateur d’Innowine, maison de négoce (150 000 à 200 000 cols par an) spécialisée dans les vins bio ou en biodynamie pour la grande distribution (Monoprix, Carrefour, Système U). 

 

Ensemble, nous avons réfléchi aux incarnations et aux médiations. Les différentes prises de parole ont permis de rappeler l’importance pour la génération Z de disposer à la fois de figures authentiques (en commençant par le vigneron ou la vigneronne) et de modèles permettant de rajeunir la cible projetée en matière de vin.  

 

À titre d’exemple, le Syndicat de l’AOP Picpoul de Pinet a choisi un jeune sommelier comme brand ambassador (Alexandre Freguin) et a mis en place un partenariat avec l’École des Beaux-Arts de Sète qui conduit à faire de ses étudiants des ambassadeurs naturels de l’appellation. 

 

Margot Ducancel (à travers les réseaux sociaux) et Romain Becker (par le podcast) ont rappelé l’importance de mettre en valeur la figure du vigneron ou de la vigneronne, qui répond au besoin d’authenticité et permet de générer de la différenciation dès lors qu’on peut associer un vin à la personne qui l’a fait. 

 

Margot Ducancel, Céleste Renault et Carl Coignard ont également invité à considérer l’événementiel et par-delà la dégustation comme un outil de médiation à part entière, permettant à la fois d’engager les (jeunes) consommateurs et de disposer d’un retour d’expérience immédiat, donnant la possibilité d’observer les attentes et façons de consommer des nouvelles générations.